Je travaille actuellement sur le montage vidéo jour par jour, et je réécoute tout ce qui a été filmé. Aujourd’hui, j’ai travaillé sur la journée du 25 juillet, et j’ai repéré un point très intéressant à commenter. Ici, je me place en tant que praticienne-chercheuse. J’ai une double, voire triple posture, qui est très inconfortable, et plus facile à gérer quand on prend un peu de distance. :
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Co-animatrice de l’atelier
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Participante du groupe
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Chercheuse.
Le travail que je présente ici me donne l’occasion d’exprimer ce que peut être une recherche-action sur la formation. Pour moi, la recherche-action est une forme de tâtonnement expérimental, qui peut être une manière de concevoir la formation des enseignants et des formateurs. La recherche-action peut donc représenter un mode de formation cohérent avec la pédagogie Freinet, il me semble. Il établit un lien étroit entre théorie et pratique. Il développe la réflexivité, c’est-à-dire il nous aide à prendre du recul sur ce que nous faisons, à faire des hypothèses de toutes sortes, y compris pour agir.
De plus, par rapport au problème de notre recherche sur la régulation et les règles de travail du groupe, tel que nous avons abordé la question dans comment poursuivre le travail en réseau, il me semble que ce cas donne une piste de réflexion, et peut-être une technique possible.
C’est en tous cas l’hypothèse que je fais… Ce sont vos réactions qui détermineront la suite.
Dimanche 25 juillet
Groupe soleil et lune : Gitta Chantal Joseph Marcella et Kelly
Question : Comment transmettez-vous les valeurs de la démocratie dans l’équipe de l’école ou dans la formation ? Une réponse par post-it, Post-it de couleur différentes si théorie (vert) ou pratique (rose). Les réponses sont individuelles. Dans la traduction de la question, le mot démocratie est devenu coopération en espagnol.
Un incident critique à analyser, support d’analyse réflexive dans la recherche-action
Marta et moi nous sommes trompées en choisissant les couleurs entre pratique et théorie : Chantal pense qu’il y a 2 explications possibles à cela : il peut y avoir un problème de traduction, ou un problème d’écoute des consignes. Une petite tentative de culpabilisation est perceptible dans cette phrase. Peut-être aurait-il été intéressant de poser au groupe la question « pourquoi les consignes n’ont-elles pas été respectées ? » plutôt que de donner tout de suite des réponses. Malgré cela, en bons pédagogues Freinet que nous sommes, nous avons réagi en donnant notre point de vue sans que la question ait été posée.
J’exprime mon point de vue : Pour moi, il est difficile de séparer théorie et pratique qui sont liées. Il y a un effet de résistance.
La manière de le dire a dû paraître agressive pour les animateurs de cette présentation. Le fait d’être sollicitée à la fois comme animatrice pour les traductions, le matériel, et comme participante pour m’exprimer a créé une tension. Le petit jugement perçu dans la parole de Chantal a augmenté un peu la tension. Pour moi, le fond n’était pas une volonté de remettre en cause, mais une réelle expression de ma position, de mon ressenti.
Chantal : L’idée est qu’il s’agit plutôt de faire vivre la démocratie, de faire apparaître qu’on était plutôt dans l’optique de faire vivre des pratiques, et qu’on ne peut apprendre qu’en faisant.
Chantal et son groupe sont sans doute aussi un peu tendus à cause du retard accumulé dans la matinée. Je pense que mon attitude a été perçue comme un manque de reconnaissance du travail proposé.
Il y a là conflit de conceptions, confrontation. La confrontation n’est pas développée, pourtant elle aurait pu donner un élément de prise de recul qui correspond réellement à un méta niveau, et donner un moment de formation de formateurs très intéressant. Malheureusement, nous n’avons pas exploité cet incident critique avec toute la profondeur que nous aurions dû pour faire de l’imprévu une source d’apprentissage. Il s’agissait de pratiquer une régulation de l’apprentissage, de mettre en œuvre la métacognition, annoncée pourtant dans nos objectifs.
Je reprends donc la situation telle que nous aurions pu la développer, et je propose de faire un travail a posteriori.
Dans le groupe étoiles, la question de Glaucia était « comment apporter des contenus théoriques en étant cohérent avec les valeurs de la pédagogie Freinet ? » Ma préoccupation est du même ordre si je dois intervenir en master de sciences de l’éducation. Donc, mon souci est de parvenir à articuler la théorie et la pratique, en les nourrissant de liens… La connaissance de théories peut améliorer la pratique, et la théorisation de la pratique par des stades de modélisation permet de faire avancer la théorie.
Je souhaite donc reprendre cette situation par des échanges virtuels, en espérant compenser cette non-finalisation de la situation à exploiter au niveau formation. L’exploitation de cet incident critique va me permettre de développer ma pensée, et j’espère que ce retour suscitera d’autres échanges intéressants.
Le vécu de ce moment rejoint complètement le thème proposé à la réflexion : comment introduisez vous les valeurs de la démocratie – ici en formation de formateurs. Je reprends les couleurs proposées à la réflexion : vert pour la théorie, et rose pour la pratique, mais les deux sont ici étroitement liées, et je livre donc ces liens tels qu’ils m’apparaissent.
Quelles seraient les théories sous-tendues par ce moment :
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Le conflit socio-cognitif. C’est lui qui réellement peut faire émerger les conceptions, quand il existe un réel climat de confiance, un esprit coopératif. Il faut qu’il y ait une réelle horizontalité pour que chacun puisse exprimer ses positions, et une réelle écoute pour que soient reconnues toutes les positions pour les confronter.
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André Giordan, dans le modèle allostérique de l’apprentissage, dit qu’il faut apprendre avec et contre ses conceptions. Le meilleur moyen d’apprendre est de déstabiliser, mais pas trop, pour se mettre en situation d’apprendre, ce qui est insécurisant. Donc il faut un climat coopératif pour apporter une sécurisation en même temps. Cependant, il ne faut pas éviter la confrontation quand elle peut permettre à tous d’avancer en créant un espace commun.
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Edmond Lèmery aborde cela de manière très intéressante dans son livre sur le tâtonnement expérimental : « Apprendre, c’est naturel. » Je peux apporter des références bibliographiques précises pour les approfondissements théoriques si certains le souhaitent, et communiquer des citations.
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Ici, la confrontation n’a pas réellement pu avoir lieu :
-je devais m’occuper des problèmes de post-it à fournir quand les autres étaient en train de rédiger leurs réponses, et il me fallait donc sortir de la posture de responsable animatrice pour répondre, ce qui m’a coûté, parce que je n’avais pas la disponibilité nécessaire dans ma tête.
– quand j’ai exprimé ma divergence, Chantal a commencé à exprimer sa conception et la conception sous-jacente, et le débat aurait pu commencer. Mais Kyösti est arrivé à ce moment-là. Il avait manqué une partie des échanges et ramenait un café à Marta qui était très fatiguée, et on me demandait de lui traduire. Ces deux points ont alors fait diversion, et le conflit socio-cognitif, pourtant très intéressant à mener et à analyser, n’est pas allé plus loin. De plus, nous étions déjà très en retard, et il restait peu de temps pour la présentation de l’autre groupe.
La coopération et la confrontation coopérative sont des aspects essentiels des valeurs démocratiques appliquées dans l’apprentissage aussi bien en matière d’éducation que de formation. Elles sont pour moi aussi liées à la théorie qu’à la pratique.